Protection juridique professionnelle

Ensemble associatif présent dans tous les départements. Il est animé par des personnels de l’éducation qui ont choisi de s’impliquer auprès de collègues confrontés à des difficultés

Avantages sociaux (type comité d'entreprise) :

  • Titre de la diapositive

    Écrivez votre légende ici
    Bouton
  • Titre de la diapositive

    Écrivez votre légende ici
    Bouton
  • Titre de la diapositive

    Écrivez votre légende ici
    Bouton
  • Titre de la diapositive

    Écrivez votre légende ici
    Bouton
  • Titre de la diapositive

    Écrivez votre légende ici
    Bouton
  • Titre de la diapositive

    Écrivez votre légende ici
    Bouton
Notre Union

Fanny Marlier - Médiapart
9 juin 2024

La formation des enseignants du privé, partie invisible des subventions de l’État

Formiris gère la formation dispensée dans les établissements privés sous contrat avec l’État. Syndicats et enseignants dénoncent certains des contenus qui puisent dans la doctrine religieuse, alors que l’organisme est alimenté par des fonds publics.

Article disponible, ICI


Un délégué syndical de Grenoble qui ne cesse d’alerter son rectorat sur le programme d’une formation à l’éducation à la sexualité selon les valeurs de l’Église. En Normandie, un professeur d’un lycée catholique sous contrat qui a été formé à une théorie issue d’un mouvement sectaire. Ou encore, des enseignant·es qui se disent révolté·es par une journée de sensibilisation à la dysphorie de genre, organisée par d’anciens membres de La Manif pour tous.


Si à la mi-janvier la tempête déclenchée par l’affaire Oudéa-Castéra a mis en lumière les problèmes de justice sociale soulevée par l’enseignement privé sous contrat, l’opacité de son financement mais aussi ses atteintes à la laïcité, un sujet reste peu abordé : la formation des enseignant·es du privé.


Celle-ci est gérée en grande partie par Formiris, la fédération née au début des années 2010 qui bénéficie chaque année d’environ 49 millions d’euros de subventions publiques (soit plus de 90 % de son financement). Elle est chargée de la politique de formation initiale et continue des enseignant·es des 96 % d’établissements catholiques qui composent le privé.


Formiris ne prodigue pas directement de formations. Elle répartit l’argent public entre les structures régionales, qui passent ensuite des contrats de prestations avec des organismes de formation. Contrairement au public où les formateurs doivent obtenir un certificat d’aptitude (le Caffa), dans le privé, les formations peuvent être également conduites par des associations ou des entreprises privées.


C’est là que le bât blesse : « Ces formations ont leur pré carré, captent des moyens publics, se les approprient et les distribuent à huis clos, voire par affinités à des intervenants extérieurs, sans validation des rectorats, des IPR [inspecteurs régionaux – ndlr] ou du ministère », tranche Laetitia Bramoullé, professeure en Bretagne et membre active du collectif Stop Souffrances Enseignement catholique. « Ainsi, il est possible d’être en formation afin de “se reconnecter à soi pour s’affirmer professionnellement” au lieu d’être devant les élèves. »

La composition de l’assemblée générale de Formiris pose aussi question : s’y trouvent les représentants du secrétariat général de l’enseignement catholique, des directeurs diocésains, un représentant des réseaux congréganistes, etc. Ainsi, l’obligation de neutralité de ces enseignants du privé, rémunérés par le ministère de l’éducation, peut de fait se révéler périlleuse lorsque le président de l’organisme chargé de leur formation continue est nommé… sur proposition d’un évêque.

L’opacité du fonctionnement de cette association à but non lucratif suscite de plus en plus de critiques de la part d’enseignants et de délégués syndicaux. 


« Tout le système est cadenassé », résume Franck Pécot, secrétaire général du Snep-Unsa (minoritaire). En 2019, son syndicat avait soumis deux requêtes au Conseil d’État pour demander à l’État de couper les ponts avec l’Église en matière de formation des enseignant·es de l’enseignement privé. En vain. 


Double casquette

« En déléguant la formation des enseignants à une structure dirigée par des personnes qui occupent des fonctions dans l’Église, l’État a ouvert une brèche dangereuse vers l’intégration d’une vision chrétienne de l’enseignement », poursuit Franck Pécot. 


Le cas de l’institution Jeanne-d’Arc de Montrouge (Hauts-de-Seine) est éloquent. Le 29 novembre 2022, ses enseignants du secondaire ont reçu un mail, consulté par Mediapart et relayé par Libération, avec une proposition de formation « entièrement prise en charge par Formiris » intitulée « Bilan professionnel et collectif » en vue de les accompagner à une sortie de l’enseignement, mise en œuvre par NS Conseils.

Mais NS Conseils n’est autre que le cabinet de coaching dirigé par Nadine Scepovic, la présidente de l’Ogec (organisme de gestion de l’enseignement catholique) de l’institution Jeanne-d’Arc, l’organisme qui gère l’établissement, son fonctionnement et le fléchage de son budget. Dans le compte rendu du CSE du 3 janvier 2023 que Mediapart s’est procuré, on peut lire qu’un délégué syndical faisait état d’un certain malaise vis-à-vis de « cette double casquette ».


Nadine Scepovic répond que les enseignants qui n’auraient « pas envie de collaborer » avec son organisme de formation peuvent aller sur le site de Formiris où ils « auront accès à l’ensemble du catalogue proposé ». Quoi qu’il en soit, le bilan social de 2020 de son cabinet de conseil le prouve : « Les subventions de l’État et du ministère de l’éducation nationale via Formiris ont été une aide précieuse » pour son activité. Invitée à répondre sur ce point, Nadine Scepovic n’a pas donné suite.

Auprès de Mediapart, Formiris indique simplement « évaluer quantitativement et qualitativement les dispositifs de formation initiale et continue » et assure que « tout manquement au bon déroulement de [sa] mission est signalé et génère une enquête interne ».

Yann Diraison, adjoint du secrétariat général de l’enseignement catholique (Sgec) qui siège dans l’association, précise : « Les seuls signalements que l’on a pu avoir sont de l’ordre de la prévention, la Miviludes [mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires – ndlr] nous a déjà alertés à propos d’organismes de formation soupçonnables de dérives sectaires que nous avons immédiatement sortis de nos listes. »

Parmi les exemples de dérives émerge celui de l’académie de Grenoble. Pietro Mastrolembo Ventura, délégué syndical CGT-EP au lycée Philippine-Duchesne à Corenc a alerté le rectorat en juin 2023. Encouragements à se rendre à la messe de Noël sur les heures de classe, impossibilité de faire venir le Planning familial au motif que « l’IVG demeure un sujet tabou »... Au milieu de ses griefs figurent les formations d’éducation à la sexualité proposées aux enseignant·es et aux chefs d’établissement dans toute l’académie de Grenoble de 2023 à 2025.


Anthropologie chrétienne

Dispensée par l’Isfec des Alpes, un institut de formation placé sous la tutelle des diocèses de la région, elle vise à « définir les contours » de l’éducation à la sexualité « à la lumière du projet de l’enseignement catholique ». Pendant les différents modules, les enseignant·es apprendront notamment à connaître « la spécificité de l’enseignement catholique (visée chrétienne de l’humain et formation intégrale) » et à « aborder les questions de société à la lumière de l’anthropologie chrétienne et des textes de l’église ». Ce qui n’est pas sans rappeler le vocabulaire utilisé dans les fiches distribuées dans l’enseignement catholique concernant les élèves qui se questionnent sur leur identité de genre (lire notre enquête à ce sujet).

Pour le référent à l’éducation affective relationnelle et sexuelle (EARS) du diocèse de Grenoble, Patrick Armanet, il n’est pas question ici « d’apporter une morale quelconque ou de stigmatiser les élèves ». « L’anthropologie chrétienne vise à mettre la personne au centre. Si un élève se questionne par exemple sur son identité de genre, l’idée sera surtout de l’orienter vers un accompagnement psychologique par un professionnel », rétorque-t-il.

Pietro Mastrolembo Ventura, lui, fulmine : « Je ne comprends pas comment cette formation peut être encore en cours… D’autant plus qu’elle se tient dans un centre connu pour pratiquer des exercices spirituels visant à “approfondir sa relation au Christ”. »


Les enseignants de l’institution Mongazon d’Angers ont été contraints d’écouter les discours d’anciens de La Manif pour tous.


Il sollicite en juin un rendez-vous pour dénoncer « les violations de la laïcité » au sein de son établissement. Cinq semaines passent, il relance. Il sera finalement reçu au rectorat au mois de décembre 2023. À ce sujet, le ministère de l’éducation fait savoir à Mediapart qu’une rencontre avec le directeur du lycée est prévue « pour évaluer les objectifs de la formation ». Il souligne que la formation « a été proposée aux enseignants sans obligation de participation », et que « Formiris demeure libre de déterminer le lieu » dans lequel celle-ci se tient. « Il n’a pas été rapporté au ministère que les activités de ce centre aient donné lieu à un quelconque prosélytisme durant la formation », ajoute-t-il. 

À Rouen, cette fois, en novembre 2023, dans l’établissement Jean-Paul II, s’est tenue une formation Formiris dédiée au « leadership vertueux », une méthode issue de l’Opus Dei (mouvement catholique très conservateur) qui prône un leadership placé sous le signe de « la grandeur et de l’épanouissement spirituel ».

Il s’agissait de la présentation d’un programme à mettre en place sur les heures de vie de classe : inculquer aux élèves la théorie de supposés liens entre fluides corporels et comportements humains, et leur demander de télécharger une application smartphone visant à « promouvoir l’accomplissement des besoins spirituels des citoyens et l’accomplissement des biens publics ». Une autre session devait se tenir en avril prochain, mais face à la mobilisation des enseignant·es, celle-ci a été annulée.


Une « épidémie » de cours de récré

Il arrive aussi que des formations se fassent en dehors des offres Formiris, par exemple lors de journées pédagogiques organisées par les établissements, où la présence des enseignants est obligatoire. C’est dans ce cadre-là que, le 2 février dernier, les enseignants des 700 élèves de l’institution Mongazon d’Angers ont été contraints d’écouter les discours d’anciens de La Manif pour tous à propos de « l’accompagnement dans le cadre de la dysphorie de genre », qualifiée à plusieurs reprises de « maladie mentale ».

Parmi eux : l’identitaire anti-PMA Aude Mirkovic, la neurochirurgienne impliquée dans l’Observatoire de la petite sirène Anne-Laure Bloch, ou encore le docteur en médecine qui défend l’idée d’une identité attribuée dès la naissance, René Écochard. Selon nos informations, René Écochard a associé la transidentité à une « épidémie contagieuse » qui sévirait « dans les cours de récré ». Autre point abordé par Anne-Laure Bloch : « La stérilité et l’absence d’orgasme chez les individus ayant réalisé la transition », rapporte une enseignante.

Contactée par Mediapart, l’institution Mongazon n’a pas donné suite. Interrogé à ce sujet, le ministère rappelle que « les enseignants intervenant dans l’enseignement privé doivent être respectés dans leur liberté de conscience » et que « l’établissement n’a pas à “obliger” des enseignants à participer à ce type de manifestation ».

Pour contourner ces obstacles, les enseignants du privé peuvent par exemple assister à des formations proposées par le rectorat ouvertes à leurs homologues du public. Mais ils ne sont pas prioritaires et leur absence doit être validée en amont par leur chef d’établissement. Quels mécanismes de contrôle le ministère a-t-il à sa disposition sur la formation des enseignants ? Publié en juin 2023, un rapport cinglant de la Cour des comptes conclut que le contrôle du bon usage de l’argent public par les établissements sous contrat ne fonctionne pas.


Mais il n’apporte aucun élément précis sur la formation, mis à part sur le plan pédagogique où il est relevé que « dans les collèges ou les lycées, personne n’est chargé de vérifier globalement le projet éducatif de l’établissement en lien avec les priorités éducatives nationales », même si quelques rares inspections individuelles sont menées.

« Pour tout ce qui touche à la formation, c’est beaucoup plus compliqué, nous ne sommes pas suffisamment nombreux et la priorité reste pour nous l’école publique, concède Patrick Roumagnac, secrétaire général du premier syndicat chez les inspecteurs de l’éducation nationale (SIEN-Unsa). Le “caractère propre” de l’enseignement privé fait que nous n’avons pas d’autorité sur les contenus des formations proposées. »

Patrick Roumagnac fait référence à l’expression introduite par la loi Debré dans le Code de l’éducation, qui laisse une latitude hors programme aux établissements privés sous contrat. Latitude voire contradiction au regard de l’autre obligation de cette même loi, inscrite dès son article premier : « Le respect total de la liberté de conscience. »

par Snep UNSA 20 novembre 2024
Groupes de niveau/besoin bientôt la fin du cinéma ? Les clefs pour comprendre
par Snep UNSA 15 novembre 2024
Les enseignants sont toujours aussi peu absents malgré tout ...
par Snep UNSA 30 octobre 2024
[presse] La commission des finances de l'AN vote dans le sens souhaité
par Snep UNSA 30 octobre 2024
Des syndicats se querellaient au sujet du statut d'agent public (et du calcul de représentativité), le conseil constitutionnel les renvoient dos à dos
par Snep UNSA 28 octobre 2024
La cour des comptes étrille la gestion des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale
par Snep UNSA 16 octobre 2024
Les retraites complémentaires du privé revalorisées de 1,6 % en novembre
par Snep UNSA 15 octobre 2024
Budget : colère et alerte sociale intersyndicale !
par Snep UNSA 13 octobre 2024
Dominique Bernard, assassiné à Arras le 13 Octobre 2023
par Snep UNSA 11 octobre 2024
Budget 2025 pour l’École : suppressions en masse, aucune perspective salariale !
par Snep UNSA 4 octobre 2024
SNU : l'ensemble des organisations syndicales demandent son abandon
Plus d'informations
Share by: