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Notre Union

Snep UNSA
15 mars 2024

Il est urgent que la République soutienne l'Ecole publique, mais l'action syndicale ne doit pas méconnaître le privé

Le 30 janvier 2023, dans une tribune du journal Le Monde, un collectif de syndicats enseignants, lycéens, étudiants et d’associations d’élus ou encore de parents plaide pour que l’école publique, laïque, gratuite et obligatoire soit la priorité du pays.

Cette tribune est l'expression d'une volonté collective de redonner au service public de l'éducation toute sa place afin de contribuer à la formation des futurs citoyens de notre République. Elle risque toutefois de rester sans effets notables si des points fondamentaux propres aux établissements publics et associés à l'enseignement public par un contrat avec l'État sont minimisés. Deux points sont en effet éludés dans cette tribune, d'abord le besoin scolaire, et ensuite l'activité syndicale en direction de tous les personnels de l'Education nationale et du ministère de l'Agriculture.

Le service public de l'éducation, pour devenir concret, prend appui, ne l'oublions pas, sur le besoin scolaire reconnu par l'État. C'est bien la puissance publique qui évalue la nécessité d'ouvrir (ou de fermer) une classe dans des murs publics ou des murs associatifs ou privés. C'est bien le Préfet qui accède à la demande d'associer une classe à l'enseignement public. Ainsi est rédigé l'article L442-5 du code de l'éducation.

Quid du besoin scolaire ?

Le travail d'analyse du besoin scolaire est réalisé par les agents des rectorats et des DSDEN (directions des services départementaux de l'éducation nationale). Ces services sont capables à l'heure près de déterminer la dotation financière (dotation globale horaire) de chacun des établissements du second degré de notre pays. Pourtant, les éléments objectifs, après avoir suivi la voie hiérarchique, ne reviennent pas tels que.

Les éléments d'information apportés par une association confessionnelle liée à une Eglise (SGEC)  illustrent sa capacité d'influence sur ce sujet. Lorsqu'elle pointe, sans les nommer, certains rectorats qui "ne négocieraient pas" (1), elle montre a contrario qu' elle obtient, parfois, ce qu'elle souhaite. L'alerte de l'économiste Julien Grenet, concernant Paris où la part du privé pourrait bientôt dépasser celle du public (ici), est pertinente dans la mesure où elle donne à voir l'importance des pressions qui s'exercent sur le rectorat. Rectorat qui, in fine, fait preuve de largesse dans la définition du besoin scolaire, théoriquement lié à un espace géographique déterminé. À Paris, il est ainsi admis que des classes associées à l'enseignement public ne ferment pas puisqu'elles recrutent bien au-delà des limites de leurs secteurs.

Pendant ce temps là, des classes d'écoles publiques ferment. Dans un territoire en décroissance démographique, il est curieux que la règle tacite des 80-20 ne s'applique pas pour les fermetures.

Par quels mystères ?

Est-ce en relation avec l'opacité de l'administration qui ne fournit pas aux instances académiques les éléments chiffrés pour déterminer le besoin scolaire? Dans ce rectorat, les représentants des personnels dans les instances dédiées, en CAEN et CDEN (version parisienne), ne disposent d'aucune donnée. La logique est la même pour les dotations aux collèges et lycées privés associés à l'enseignement public. Les représentants des personnels dans les instances dédiées, en CSA académique, ne sont pas consultés. Dès lors, toutes les manœuvres sur les moyens donnés aux établissements sont permises.

Ainsi, il est raisonnable de s'interroger sur des fermetures de classes excessives hors de cette académie ou sur des sous-dotations de collèges ou lycées pour maintenir des classes du privé sous contrat ouvertes à Paris. En effet, la formule de Lavoisier s'applique pleinement: "rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme." L'architecture budgétaire actuelle avec un distinguo entre les programmes 139, 140 et 141 (enseignement privé, enseignement public du 1er degré, enseignement public du 2nd degré) , avec une confusion au sein du programme 139 des moyens obligatoirement attribués au premier et au second degré associatif ou privé, est bien commode.

Et les personnels dans tout cela ?

Ce ne sont pas des murs, des tables, des chaises, des interrupteurs, des estrades, qui enseignent, ce sont des enseignants, agents publics titulaires ou contractuels. L'alibi du "caractère propre" ou de "la manière catholique d'enseigner les mathématiques" est bien commode pour travailler à la division des personnels enseignants.

Feu la fédération de l'éducation nationale (FEN) avait son syndicat pour les agents publics, enseignants, affectés dans les classes des établissements associatifs ou privés: le SNUDEP FEN. Il a disparu avec elle. Les trois organisations (SNES FSU, SNUipp FSU, et SE UNSA) revendiquant son héritage ne se sont pas empressées de maintenir la syndicalisation de tous les enseignants jusqu'à bouder, parfois boycotter, les instances de représentation de ceux-ci. Bienheureuses les organisations confessionnelles qui ont alors eu l'occasion de remplir le vide, faisant valoir, dès lors, leurs enjeux. Créant si nécessaire un syndicat dédié, initialement dirigé, de droit, par le directeur diocésain.

Comment dénoncer dès lors, avec un certain crédit, le "séparatisme des élèves", si nous participons de la division des personnels ? A fortiori lorsque nous permettons l'entrisme confessionnel au sein de notre ministère. Il est toujours temps de rassembler, d'agir dans la transparence, de se rappeler que le service public de l'éducation, c'est la prise en charge financière de la scolarité de tous les élèves, certes, mais aussi rendre des comptes sur l'usage des fonds publics.


(1) Dans une interview au Monde du 28 février, Philippe Delorme (secrétaire général de l'enseignement catholique) déclare : "Les discussions sont bloquées dans neuf académies. Celles-ci veulent nous imposer de consacrer une partie de nos moyens ordinaires, destinés à des ouvertures de classes, de filières ou d’options, à ces groupes (de niveau, ndlr). Nous le refusons. Soit il faut nous donner des moyens supplémentaires, soit nous laisser libre de nous organiser comme nous le souhaitons. Les autres académies l’ont bien compris."
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